« Soli Deo Gloria » (Uniquement en la gloire de Dieu) Dédicace que l’on trouve sur la majorité des œuvres de Jean-Sébastien Bach.
L’Allemagne, au moment où Bach entre à la cour de Köthen en 1717, est encore fortement influencée par la France et l’Italie. Le pays, alors divisé en petites principautés ayant chacune leurs lois et leurs mœurs, n’a aucune homogénéité, si ce n’est qu’en ce qui concerne la religion où le luthéranisme prédominant côtoie tout de même le catholicisme et le calvinisme. La France, malgré la mort de Louis XIV deux années auparavant, rayonne toujours sur l’Europe et exporte plus que jamais son art de vivre chez ses voisins du continent tandis que l’Italie, en bonne patrie des arts, continue de produire quantité d’artistes qui s’exilent à l’étranger pour gagner leur vie propageant ainsi les courants artistiques de l’époque. Les grands musiciens allemands, Georg Friedrich Haendel (1685-1759) et Georg Philipp Telemann (1681-1767) entre autres, font quant à eux le voyage à l’inverse en rejoignant les grands centres culturels européens favorisant eux aussi la propagation des courants et des modes.
Bach, lui, ne quittera jamais l’Allemagne mais trouvera le moyen par l’entremise de ses contemporains de s’initier aux grands courants musicaux et d’influencer à son tour nombre de musiciens. Ainsi, lorsqu’il arrive à Köthen, il apporte avec lui un bagage de connaissances qui comprend déjà plusieurs chefs-d’œuvre de la musique italienne et française assimilés lors de son précédent poste de Konzertmeister à Weimar. La vie qui l’attend est toutefois bien différente. Alors que ses fonctions étaient en grande partie religieuse, à Köthen, petite principauté sous l’influence du calvinisme et où la musique religieuse est totalement inexistante, il s’apprête à écrire pour l’un des meilleurs orchestres d’Allemagne. Les années passées à Köthen (1717-1723) à titre de Kapellmeister seront les plus enrichissantes de sa carrière. Bach y composera la majeure partie de sa musique de chambre, ses ouvertures pour orchestre, le premier livre du Clavier bien tempéré (1722) sans oublier la série des six Concerts avec plusieurs instruments, communément appelée Concertos Brandebourgeois depuis leur redécouverte par Philipp Spitta (1841-1894) au XIXe siècle.
La datation exacte du célèbre cycle demeure toutefois chose ardue car certaines parties ont possiblement été écrites à Weimar. C’est probablement le cas du cinquième concerto qui aurait été esquissé à cet endroit puis révisé et augmenté à Köthen. Une chose est sûre toutefois, le cinquième concerto est celui qui présente le plus d’intérêt en ce qui concerne la composition car il apparaît pour plusieurs comme le premier concerto pour clavecin de l’histoire en raison de la longue cadence de 65 mesures confiée à cet instrument au cours du premier mouvement. Dans le cas des suites pour orchestre, autre genre très en vogue chez les contemporains de Bach, particulièrement chez Telemann, ce type de composition constituée d’un prélude ou « ouverture » suivie d’un enchaînement de courtes pièces de danse, s’avère le genre le plus libre en ce qui concerne la forme. Bach aurait écrit quatre suites orchestrales qui ont la particularité d’intégrer les styles français et italien. C’est le cas de la Suite orchestrale no 1 qui présente un bel exemple du modèle français établit par Jean-Baptiste Lully (1632-1687) et où les cordes sont complétées par une paire de hautbois et un basson.
Malgré l’apparent bonheur de Bach à Köthen, l’influence qu’exerce la religion sur sa personnalité jumelée à un impérieux besoin de vivre dans un contexte social en conformité avec ses principes religieux le pousseront, à partir de 1723, à opter pour le cadre plus austère de Leipzig où il assumera, jusqu’à sa mort en 1750, la tâche astreignante de Cantor à la Thomasschule. Là, il composera la majorité de sa musique religieuse. Il y écrira aussi ses deux Passions, l’Art de la fugue, le second cahier du Clavier bien tempéré et plusieurs œuvres instrumentales dont le Triple concerto, BWV 1044 créé à partir de fragments d’œuvres pour clavier (Préludes et Fugue en la mineur, BWV 894 et Sonate en ré mineur pour orgue, BWV 527) sans oublier le Concerto pour deux clavecins en do majeur, BWV 1061 qui demeure, à ce jour, la seule œuvre connue pour clavecin de Bach qui ne soit pas la transcription d’une œuvre déjà existante.
© Jean-Claude Thériault, 2001